Psychologie et Communication Nonviolente
Le mot « émotion » serait construit sur le latin « emovere », à partir de « ex » et « movere », soit « hors de » et « mouvoir/susciter ». Nos émotions nous mettent en mouvement et sous-tendent une partie de nos comportements (dont nos répétitions et nos automatismes défensifs).
Nous avons ainsi tendance à associer les situations et les personnes avec nos émotions (elles sont bien souvent perçues comme « responsables » des émotions vécues et donc des réactions).
Hors, entre les 2, il y a des besoins, des jugements ou des interprétations : Ce sont des besoins (satisfaits ou insatisfaits) qui sont à l’origine de nos émotions, et non pas directement ce qui se passe dans notre environnement.
Une partie des outils de la Communication Nonviolente nous permet, notamment, de réinterpréter les situations sous l’angle de besoins dans notre rapport aux autres et à nous-même.
Une réinterprétation engendrera, ainsi, d’autres émotions.
Comme nous le verrons plus loin, la réinterprétation est un des leviers majeurs du changement applicable en hypnose ou dans toute forme de psychothérapie. C’est pour cela que la Communication Nonviolente (ou CNV) fait partie des nombreux outils que j’utilise dans l’hypnothérapie que je propose à Nice, et même parfois lors des séances.
Les besoins et les interprétations sont à la base des émotions cognitives
Juger et interpréter (au même titre que les besoins qui sont encore moins conscients) sont à la base des émotions dites « cognitives ».
Les émotions cognitives sont des émotions dites « complexes », à la fois basées sur les émotions biologiques – la peur, la colère, la joie, la tristesse, le dégoût et la surprise – et créées par les pensées ou les pensées automatiques (issues de croyances profondes notamment).Chercher inconsciemment à les éviter peut entraîner une prise de poids (causée par des complulsions alimentaires), un tabagisme excessif, la prise d'alcool, des Tocs, une addiction au jeu ou même au sexe.
Alors, tout d’abord, la CNV, c’est quoi ?
Les recherches en psychologie le démontrent depuis fort longtemps : Une mauvaise communication avec soi entraîne inexorablement des problèmes de communication avec l’autre.
La Communication Nonviolente est un processus de communication, avec soi (communication intrapersonnelle) et les autres (communication interpersonnelle), développée par Marshall B. Rosenberg. Tout comme son professeur et collaborateur Carl Rogers, la notion d’empathie (pour soi et l’autre) y figure à une place centrale. (L’expression « nonviolente » fait, quant à elle, référence au mouvement non violent de Gandhi et signifie communiquer sans nuire).
La première étape de la CNV consiste à « se mettre en lien avec soi-même ».
Il s’agit de prendre conscience et mieux reconnaître nos émotions, ainsi que les besoins qui en sont à l’origine (auto-empathie). Elle nous invite à focaliser notre attention sur ce qui est en jeu chez nous et chez l’autre, et à réfléchir à notre intention : continuer à jouer à « qui a tort, qui a raison ? » ou bien (r)établir le lien.
En quelques mots, il s’agit d’éclaircir ce que nous vivons. Cette première étape permettra ensuite d’accéder à l’empathie : il ne s’agit pas de simplement d’écouter mais « de se relier à soi et à l’autre ». Il s’agit de prendre pleinement conscience de nos propres sentiments, de nos besoins ET de ceux des autres.
Cette première étape, de reconnexion, à soi nous permet :
- de communiquer avec l'autre d'une manière qui favorise la compréhension et l'acceptation du message (expression authentique) ;
- de recevoir le message de l'autre, de l'écouter d'une manière qui favorise le dialogue quelle que soit sa manière de s'exprimer (empathie).
Pour que ce processus favorise réellement la coopération et le dialogue, il est nécessaire de porter attention au moment présent (pas dans les schémas et images que nous donnons aux autres) et une intention claire de favoriser le dialogue et la coopération.
La réinterprétation : un des 4 leviers majeurs qui peut être utilisé en hypnose
Cela se situe au niveau des jugements sur ce qui se passe, de l'interprétation d'événements. Il s'agit souvent de donner un nouvel éclairage à la situation, parfois aux vues de nouvelles informations, ou d’un autre point de vue.
Pour en savoir plus sur les différents leviers utilisés en hypnose, vous pouvez lire cet article.
En CNV on apprend à faire des observations objectives au lieu d’interpréter ou juger. En hypnose, c’est par le biais de l’expérimentation que le changement se produira.
Culturellement nous avons tendance à juger les choses (les personnes, les situations, les comportements…). Elles sont ainsi bonnes ou mauvaises, étranges ou normales, vraies ou fausses…
Dans les relations humaines, loin d’être issu d’observations objectives, juger et interpréter peut subrepticement et rapidement être porteur de critiques…
Etre objectif signifie (bien que cela soit subjectif !) parler uniquement de soi et de ce qu’on ressent, et pas de l’autre. Le « tu » tue la communication. Il serait bien plus sage de commencer ses phrases par « je » pour être dans une forme « d’ouverture et d’authenticité ».
Les quatre étapes de la CNV dans la manière de s’exprimer et d’écouter
Ces étapes sont des repères visant à s’exprimer avec plus de bienveillance envers soi-même et l’autre. Exprimer ce qui se passe en soi, ou communiquer avec l’autre, peut se résumer en 4 points :
Observer puis décrire la situation en termes d'observations objectives et compréhensibles par l’autre ;
Exprimer nos propres sentiments et attitudes sur ce que l’on ressent dans cette situation ;
Clarifier le ou les besoins (ce point sera un peu plus détaillé plus loin) ;
Demander : faire une demande en veillant à ce qu’elle soit réalisable (de préférence dans l’instant présent), concrète, précise, formulée positivement. Le fait qu’elle soit liée à une formulation des besoins lui permet d’être entendue et d’être « négociable » en fonction des besoins de l’autre.
L’ordre de ces étapes n’est pas important mais il est nécessaire d’exprimer toutes les étapes. (On pourrait commencer ses sentiments, avant de décrire la situation (observation objective) pour enfin parler de ses besoins avant d’exprimer une demande.
Résumé du contenu de chacune de ces 4 étapes :
- Observer les faits et s’arrêter à leur description : Nécessité de faire la différence entre les observations objectives et les interprétations (ou les jugements-évaluations)
Décrire une situation peut se composer de plusieurs informations : Des observations objectives (uniquement des faits, tels qu’ils sont), des jugements (sur la personne ou la situation – « c’est bien, mal, bizarre… ») et des interprétations (conclusions basées sur des croyances ou présupposés).
Attribuer des caractéristiques à l’autre (ou soi !) revient à enfermer la personne dans un concept, lui donner une étiquette, « l’enfermer dans une case ». Interpréter ou évaluer est porteur de jugement (bien ou mal…). L’autre se sentira alors jugée ou critiqué et ainsi réagir certainement plus dans la réaction et la défensive que dans un mode d’écoute et de compréhension (et il en va de même dans le rapport à soi !). Cela rend le monde statique, conceptualisé, le coupe de l’énergie dont est porteuse la vie !
Comme le dit le titre du livre de M. Rosenberg, « les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) », une fenêtre s’ouvre et un mur cloisonne !
A l’opposé d’un mode de communication empreint de généralisation, omissions (ou autres distorsions cognitives) du genre « tu es comme ça » ou « tu fais toujours ça ». Dire objectivement ce qui a été fait (« tu as fait ça »), une description du comportement dans une situation, permettra de maintenir une ouverture dans le dialogue.
- Exprimer ses sentiments, émotions et attitudes : Préciser et développer notre vocabulaire affectif est important. Cela permet de clarifier notre monde intérieur, d’exprimer avec plus de subtilité et de finesse ce qui peut nous toucher.
A cette étape il est toutefois important de ne pas mélanger ce que l’on ressent (objectivement) à la perception que l’on peut avoir de l’autre. Dès lors que le mot « tu » intervient, il s’agit probablement d’une interprétation et non une observation « pure » et objective des faits (sauf en ce qui concerne l’expression de l’observation objective d’une situation !).
Dire, par exemple, « j’ai le sentiment que tu… », « je me sens ignoré ou blessé car tu… » reviennent à interpréter, à juger les actes de l’autre personne. Cela ne décrit pas vraiment notre ressenti mais est porteur d’une interprétation sur l’origine de nos sentiments.
- Exprimer ses besoins : Bien qu’ils soient universaux, la façon de les exprimer varie d’une personne à une autre, et en fonction des cultures ou des époques.
Comme expliqué différemment au début de cet article, les besoins sont le pont entre ce qui se passe autour de nous et ce qui se produit en nous. Des besoins satisfaits nous apportent de l’apaisement, de la joie, un sentiment d’épanouissement et, à contrario, des besoins insatisfaits peuvent créer en nous de la tristesse, de la frustration, de la colère…
Ce sont donc nos besoins (satisfait et insatisfaits) qui sont à l’origine de nos émotions. Il est important de reconnaître et assumer le fait qu’ils nous appartiennent. L’autre n’est pas responsable de nos émotions ou de notre épanouissement personnel car, objectivement, il répond (ou pas !) à des besoins qui nous sont propres… tout en répondant aux siens !
Il n’est toutefois pas aisé d’exprimer ses besoins… L’environnement dans lequel nous grandissons (modèle biopsychosocial enseigné en psychologie), l’absence d’habitude ou la peur de mauvaises intentions que pourrait avoir l’autre (en se mettant en position de faiblesse), peuvent être des freins à leurs expressions.
- Demander clairement ce que l'on souhaite : Pour que nos besoins puissent être satisfaits, il est indispensable qu’une action concrète soit réalisée (par soi ou l’autre !). Dire ce que l’on veut, ou le faire, aura toujours une portée plus positive que de dire ce que l’on ne veut pas !
Mais attention, demander ne signifie pas exiger ! Demander, c’est aussi accepter que l’autre n’y réponde pas et écouter ses besoins à lui. Si la réponse négative engendre des émotions négatives, c’est que la demande était peut-être une exigence.
Des exigences (obligations), seront souvent formulées à l’impératif ou avec des « il faut » ou « on doit ». Le ton employé, même pour une question, peut aussi refléter une exigence (par exemple, « tu veux bien… ? » n’a pas la même portée suivant le type de formulation).
Les besoins : la pierre angulaire de la Communication Nonviolente, de la psychologie moderne et de l’hypnose
Ils incitent à communiquer (toujours avec soi-même ou l’autre !) en se demandant ce qui se produit en nous et ce qui pourrait nous permettre de nous épanouir (pour soi et pour l’autre encore une fois !)
Les besoins sont : universels, ils mobilisent notre énergie dans le sens de notre épanouissement, sont indépendants des situations (pas rattachés à des personnes, ni des objets, ni des actions, ni des situations), et peuvent être satisfaits d’une multitude de manières ou d’actions.
Les besoins ne sont pas : quelque chose qui peut être fait ou manipulé mais peuvent se manifester par des sensations physiques. Ils sont différents des envies ou de l’appellation commune du mot « besoin » (« avoir besoin d’un plats » ou que l’autre fasse quelque chose pour nous « j’ai besoin que tu… »).
Liste des besoins en CNV
Pour Rosenberg, qui s’inspire de la perspective de Max-Neef , neuf besoins fondamentaux recouvrent à peu près toute la palette des besoins humains :
Besoins physiologiques, bien-être physique ;
Sécurité ;
Empathie, compréhension ;
Créativité ;
Amour, intimité ;
Jeu, distraction ;
Repos, détente, récupération ;
Autonomie ;
Sens, spiritualité ;
Chacun de ses besoins fondamentaux contient des besoins plus spécifiques (par exemple, dans les besoins physiologiques, il y a la faim, la soif…)
Le Centre de la Communication Nonviolente classe les besoins par famille, afin que chacun puisse mieux se comprendre et mieux comprendre l’autre, favorisant ainsi les relations humaines. Elle précise, cependant, que cette liste n’est ni exhaustive, ni définitive.
Les Besoins : apports des recherches actuelles en psychologie
Pour aller plus loin (et aussi simplifier !), la psychologie contemporaine a étudié et regroupé, notamment par le biais de la psychologie positive, les besoins en 3 catégories.
La satisfaction de ces besoins est la condition sine qua non à l’épanouissement personnel et, incidemment, à l’estime de soi.
Quand on ressent une tension interne, que l’on n’est pas satisfait, il est souvent nécessaire de se demander lequel de ces 3 besoins n’est pas satisfait.
Réinterpréter les situations sous l’angle de besoins dans notre rapport aux autres et à nous-même nous permet dans un premier mouvement d’objectiver notre situation et, ainsi, de nous demander comment nous pouvons y répondre.
Le besoin d’autonomie
Ce besoin d’autonomie peut être aussi appelé liberté d’acte, de conscience ou même d’opinion. Il s’agit de se sentir maîtres et acteurs de nos vies. Ce qui va à l’opposé des « il faut » et « je dois » que chacun à tendance à s’imposer !
Il regroupe l’autonomie financière, un besoin de sécurité qui permettra, outre le fait de satisfaire à nos besoins physiologiques (manger, dormir…) de pouvoir s’offrir de petites choses ou des plus grandes. Mais également, et ce peu importe l’âge, de se sentir libre d’adhérer à certaines valeurs ou croyances.
Mais ce besoin se différencie du besoin de réussite : « réussir » professionnellement ou financièrement est nullement corrélé au bonheur. Bien au contraire !
La recherche de réussite sociale fait que l’être humain revêt un masque social qui le coupe de tout ce qu’il pourrait être autrement. Nul ne se sent plus seul qu’une personne connue ou un milliardaire ! La dépression est légion dans de tels contextes car une partie du soi se demande constamment si le lien avec les autres est sincère. Et ça, nous en parlons dans le point suivant !
Le besoin d’affiliation
Nous avons besoin d’être authentiques, et que les autres le soi avec nous. Il s’agit du besoin de tisser des liens sincères avec les autres, d’avoir des relations où le « véritable soi » peut émerger et s’exprimer librement.
Ce besoin en regroupe de nombreux autres : le besoin d’être compris, d’être écouté, de partager… D’être aimé pour ce que l’on est, que ce soit dans notre vulnérabilité, notre unicité et nos différences. Il s’agit de se sentir libre d’exprimer librement nos opinions et nos croyances et peut, ainsi, se recouper parfois avec la liberté d’autonomie.
Et, comme il est dit plus haut, l’authenticité ne repose pas sur une accumulation matérielle ou sur un statut social… Et encore moins sur le pouvoir ! Car, en effet, le pouvoir sous-entend une position hiérarchique sur l’autre. Il valorise l’égo et non des relations sincères !
« En pratique !»
Par exemple, si dans mon couple, avec des amis ou en famille, « je ne me sens pas écouté » (formulation qui devra être repensée pour se responsabiliser !), je peux me demander si dans mon besoin d’affiliation (voir plus haut), le besoin que j’ai de partager mon monde avec l’autre est satisfait, si le besoin d’être compris l’est également. Dans ce cas, il sera nécessaire d’exprimer une demande claire à l’autre : « quand je te dis ça, qu’est-ce que tu comprends ? ». Favoriser une communication de ce type est la première étape pour satisfaire à ce besoin.
Le besoin de compétence
L’être humain a besoin de se mettre au défi, dans une évaluation de ses compétences avec des critères ni trop sévères (sinon on se sent incompétent !), ni trop aisés (car sinon, il n’y a aucun intérêt !).
Il s’agit ici du sentiment d’évolution que l’on peut avoir dans de nombreux domaines. Il peut se retrouver dans une profession, des loisirs, dans les rapports humains…
Il est également lié au sentiment d’efficience personnelle, à cette capacité que nous avons de nous sentir capable de faire face aux différentes situations nouvelles qui se présentent à nous.
Il est à noter que certains besoins satisfaits peuvent aller à l’encontre d’autres besoins... Et donc de l’épanouissement personnel !
Par exemple, si le besoin de sécurité financière dans un emploi (lié aux besoins physiologiques notamment) est satisfait, mais que le travail en question ne permet pas de développer des compétences (ou de s’investir), et/ou que les relations professionnelles sont merdiques (c’est le premier mot qui vient souvent !), l’épanouissement personnel (et l’estime de soi encore un fois !) ne pourront jamais atteindre un degré de satisfaction suffisant.
Ou, si un travail permet de satisfaire le besoin de compétence mais entrave la liberté d’autonomie (faire ce qu’on veut quand on veut, par exemple), ou les rapports humains (pas suffisamment de temps ou plus assez d’énergie pour les rapports humains), idem, pas d’épanouissement possible !
Sinon, pour aller bien plus loin dans la compréhension des besoins et surtout pour savoir comment y répondre, il y a mon livre :